La Standpoint Theory – C’est quoi le concept

Initiée par des chercheuses féministes critiques mettant en cause les relations de pouvoir établies dans le monde scientifique, la standpoint theory (ou théorie du standpoint) constitue une nouvelle manière de faire de la recherche.

La Standpoint Theory : prémices et développement

La standpoint theory est développée dans les années 1980. On la doit à Nancy Hartsock (1983), Sandra Harding (1991), Patricia Hill Collins (1986) et Donna Haraway (1988).

S’inscrivant dans une logique féministe, elles s’engagent à défendre les principes d’émancipation et justice pour toutes et tous indépendamment de son genre/sexe. Autrement dit faire en sorte qu’on ait les mêmes droits quel que soit notre genre/son sexe…

Elles interrogent ainsi le système de différenciation, de hiérarchisation basé sur l’idée de sexe/genre; ses processus et ses catégories. Elles peuvent ainsi dénoncer les injustices qui y sont liées et en l’occurrence les inégalités dans le monde scientifique.

Deux idées sont contestées : l’objectivité et la neutralité des sciences

La théorie du standpoint insiste ainsi sur l’invisibilisation des intérêts personnels des chercheurs dans la science moderne et des rapports de pouvoir existants à l’université.

Il s’agit de montrer l’existence d’un privilège épistémique exclusif : la science est d’abord masculine, occidentale (faite par les hommes européens ou nord-américains) et universalisante (autrement dit ces hommes peuvent faire de la recherche sur tout le reste du monde et leur valeur est la plus importante). Il s’agit donc de procéder à un renversement du monopole scientifique détenu jusqu’alors par « les hommes issus des classes privilégiées qui, seuls, avaient accès aux temples du savoir » et « soulignent donc la nécessité de réparer cette injustice scientifique. » pour reprendre les mots de Maria Puig de la Bellacasa (2003).

Une science plus inclusive

Autrement dit, la standpoint theory invite à repenser les critères de scientificité jusqu’alors dominants. L’idée est ainsi de mieux tenir compte de la place accordée aux dominé·es, aux minorités au sein des institutions universitaires. Ça entraîne une large critique de la négation et de l’oubli volontaire du « point de vue des femmes ». Cette idée de women’s standpoint que l’on doit à Dorothy Smith (1974) entend s’appuyer sur l’expérience vécue par les femmes comme source des recherches et ainsi « politiser l’expérience individuelle » pour révéler l’autorité du monde des hommes sur celui des femmes (Dorlin, 2008 : 11 ; Lépinard, Lieber, 2020) ; la finalité étant de parvenir à la reconnaissance des femmes et des oppressions qu’elles subissent.

Dès lors on comprend que le personnel est politique (Haraway, 1991 ; Puig de la Bellacasa, 2003 ; Dorlin, 2008), qu’il existe un « continuum entre un engagement dans le travail des savoirs et des sciences, et un engagement dans les luttes politiques » (Puig de la Bellacasa, 2003).

La standpoint theory insiste donc sur la manière dont les savoirs sont situés afin de révéler les biais de production des sciences pensées jusqu’alors comme objectives et universelles. Elle constitue une approche critique vis-à-vis des manières de faire de la recherche.

Finalement l’apport majeur de la Standpoint Theory aux sciences contemporaines est d’offrir : une réflexivité plus forte. En effet, elle montre que tout savoir est toujours socialement, culturellement et spatialement situé. Ainsi, chaque chercheur·euse a un savoir et un pouvoir situé particulier… Et qu’il est donc nécessaire s’intéresser aux liens entre vie personnelle et science, entre politique et sciences et de prendre en compte l’influence qu’on peut avoir personnellement sur ses recherches et penser à l’impact que ses travaux peuvent avoir.

Voir aussi : La décolonialité – C’est quoi le concept ?