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Compte-rendu de l’ouvrage « Du sexisme dans le sport » écrit par Béatrice Barbusse et publié aux éditions Anamosa en 2016.
Partie de son expérience personnelle, Béatrice Barbusse propose avec cet ouvrage un état des lieux du sport en France, ancré dans un système marqué par la domination masculine. A partir d’une observation participante, elle livre ainsi une analyse sociologique sur la place des femmes dans ce qui reste aujourd’hui encore un « fief de la virilité » (Elias, Dunning, 1986) et entend bien proposer des solutions pour en finir avec le sexisme dans le sport.
Béatrice BARBUSSE est maîtresse de conférence en sociologie à l’université Paris-Est Créteil. Chercheuse engagée est elle également actrice sur les terrains sportifs, d’abord en tant que handballeuse de haut-niveau (N1) puis de présidente de l’US Ivry (2007-2012) et enfin comme membre du C.A. de la Fédération Française de Handball (depuis 2013).
Elle a notamment écrit : Être entraîneur sportifs (Lieux dits, 2012) et La sociologie en fiches (éd. Ellipses, 2015).
B. Barbusse analyse le sexisme dans le sport de manière systémique, en montrant que les femmes y sont confrontées quelle que soit leur place dans cet espace.
À la fois actrice et observatrice, car sociologue, Béatrice Barbusse livre ici un document personnel, engagé et documenté, pour analyser l’ancrage du sexisme dans le sport et montrer aussi les changements en cours. Le sport ne saurait-il être qu’un genre masculin ?
Cet ouvrage a reçu le Prix féminin Sport & Littérature en 2017.
Domination masculine, éducation, genre, inégalités, sexisme, sport.
La thèse de B. Barbusse est donc limpide, le sport est selon elle sexiste c’est-à-dire qu’il est le lieu de « comportements discriminants, [visant] à séparer et à distinguer les individus selon leur sexe et à installer une hiérarchie entre les deux sexes » (p.19). Les acteurs et actrices du sport peuvent avoir des attitudes sexistes plus ou moins (in)volontaires et (in)conscientes ; cela étant, ces comportements ordinaires, réguliers, répétés entraînent ainsi une hiérarchisation puissamment imposée et constamment (re)produite. Les individus sont ainsi appréhendés en tant que membre d’une catégorie figée et stable, dominée ou dominante, ‘féminine’ ou ‘masculine’ et pouvant faire l’objets de stéréotypes puissants. Ce sexisme, qu’il soit « ordinaire » et/ou « hostile », s’est ainsi imposé comme base du système sportif. Toute les mailles de ce sport-système en sont ainsi impactées, et ce, en faveur des hommes.
Ce sexisme et cette domination des hommes s’explique d’abord et avant tout par la place dédiée aux deux sexes dans l’histoire du sport et dans l’éducation dans et par le sport. En effet « le sport est socio-historiquement masculin » (p.46). B. Barbusse entend par là qu’il a été construit par ET pour les hommes. Il est ainsi aux bénéfices de ces derniers. La progressive conquête du sport moderne par les femmes est ainsi semée d’embuches, malgré de nombreuses initiatives dès les premières décennies du XXème siècle comme en témoigne l’organisation de la Marche des midinettes en 1903 ou encore l’impulsion nationale puis internationale donnée par Alice Milliat dans les années 1920. Comme le rappelle l’auteur, il faut cependant, attendre 1994 pour assister à la première « conférence internationale sur les femmes et le sport », organisée à Brighton, pour voir un tournant dans la prise en compte des femmes dans le monde du sport.
Ancré dans une culture de la violence où « souffrir est une seconde nature » (p.51), l’espace sportif se fait ainsi étendard de la masculinité hégémonique. Il s’impose ainsi comme « le lieu par excellence où s’exerce l’apprentissage de la virilité et de la sociabilité masculine » (p.74). L’éducation au sport, autour des valeurs de performance, de domination, de record et de promotion du masculin permet ainsi une (re)production de la différence sexuée, femmes et hommes y sont séparés pour mieux faire perdurer les stéréotypes et représentations, incorporées et intériorisées depuis son plus jeune âge, concernant l’autre sexe (p.199). « Le principal frein [à la féminisation du sport] à savoir le sexisme sportif, est [donc bien] d’ordre socioculturel » (p.221).
« Aborder la place des femmes dans le sport revient souvent à réduire la question à celle du « sport féminin ». Or la place des femmes dans le système sportif ne se limite pas à leur pratique sur les terrains » (p.12)
Les inégalités sont systémiques ; elles concernent aussi bien le langage commun, pensé neutre, l’économie du sport et se traduit par des différences spatiales importantes. Le langage est donc un élément enfermant les femmes à une place marginale dans le monde du sport (p.92). En effet, à tort et à travers, il est fait usage de la notion de « sport féminin », réduisant ainsi les femmes à un autre sport, à une pratique moins importante. Ce terme est en effet construit en opposition au sport, qui serait neutre ou plutôt masculin et donc neutre ‘par nature’. Il convient dès lors de rappeler, comme le souligne très justement B. Barbusse, que « le sport féminin n’existe pas, pas plus [d’ailleurs] que le sport masculin » (p.92). L’utilisation persistante de ce langage vise à entretenir un rapport de différenciation entre deux sexes et à maintenir ainsi binarité et hiérarchie au sein du système sportif.
L’utilisation de ces deux termes et notamment du ‘sport féminin’ a un deuxième impact, celui de limiter la place des femmes dans le sport à celui de sportives, en d’autres termes à « leur pratique sur les terrains » (p.12), occultant dès lors les femmes des cercles du pouvoir, de la gouvernance ou encore de l’économie du sport. Cet usage peut cependant être inversé, c’est-à-dire user de la notion pour au contraire dénoncer le traitement des femmes dans le sport et la persistance des inégalités. Ainsi différencier les pratiques féminines de celles de leurs homologues masculins peut ainsi témoigner des écarts spatiaux ou économiques persistants. L’auteure rappelle ainsi, en s’appuyant sur une enquête d’Havas Sport & Entertainment (2012) que seuls « 3% des montants investis dans le sport le sport pour du sport au féminin » (p.212), se limitant d’autant plus à certaines disciplines bénéficiant ainsi largement aux footballeuses et tenniswomen aux dépendants des autres sportives. En outre, les conditions d’accès au sport perdurent elles-aussi, forçant ainsi certaines sportives à changer de ville pour pratiquer un sport en club, entrainant parfois des abandons ou complications (p.219).
Face à une domination masculine puissamment installée et légitimée – comme expliqué précédemment –, l’auteure propose ainsi une plus large féminisation du sport pour rendre ce sport plus ouvert et globalement plus juste et plus humain. Cette persistance de la domination, qui impacte et renforce « l’imaginaire collectif de la hiérarchisation des sexes et de l’infériorisation du genre féminin » (p.119) est liée, selon B. Barbusse l’accaparement des postes du pouvoir sportif par les hommes (p.158, p.173). Féminiser le sport, permettrait ainsi d’assister (enfin) à « l’émergence d’un sport plus respectueux de ses acteur-trices » et à repenser globalement le modèle social basé sur la bicatégorisation et la hiérarchisation entre deux sexes (p.133). Aujourd’hui cela se traduit notamment par une avancée des pratiques en dehors des fédérations, hors des contraintes institutionnelles et de l’ordre sportif dominant et permettant l’émergence d’un sport plus libre, parfois plus mixte et pouvant être tourné vers de nouveaux objectifs et valeurs.
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