Derrière l’objectif de parité, les élections des fédérations sportives révèlent de profondes inégalités

Quelques mois seulement après la clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024, les fédérations sportives nationales sont amenées à renouveler leurs instances. Les premiers résultats électoraux sont bien loin de l’élan égalitaire envisagé comme héritage de ces premiers Jeux paritaires de l’histoire.

Les femmes, sportives mais pas dirigeantes ?

Un tiers des 120 fédérations agréées par l’Etat ont d’ores et déjà procédé aux élections renouvelant leur gouvernance pour la nouvelle olympiade (2024-2028). Et force est de constater que l’égalité des genres n’est toujours pas au cœur de leurs priorités.

Les résultats des 44 premières fédérations renouvelées[1] révèlent en effet une progression limitée de la place des femmes dans les instances dirigeantes. Si la loi visant à démocratiser le sport en France, en vigueur depuis 2022, oblige désormais les fédérations à disposer d’instances paritaires, l’égalité femmes-hommes est encore loin d’être une réalité. Ainsi, seules 9 femmes ont été élues à la présidence depuis le début d’année dont 2 en binôme avec un homme. Elles ne sont donc que 20% à avoir été choisies pour diriger une fédération, quand bien même elles représentent 2,3 des 5,5 millions des licencié·es soit 37% des effectifs totaux de ces fédérations, et sont même majoritaires dans 10 d’entre elles.

Le constat est encore plus critique au sein des fédérations olympiques. En effet si Dominique Mérieux est devenue la première femme élue présidente de l’histoire de la Fédération Française de Gymnastique, elle est l’unique femme à ce poste sur les 15 fédérations olympiques renouvelées. Un chiffre particulièrement alarmant, qui est non seulement bas (6,7% du total), mais qui plus est en recul, puisque 3 de ces 15 fédérations étaient jusqu’alors dirigées par des femmes (la FFHockey par Isabelle Jouin, la FFEscrime par Brigitte Saint-Bonnet et la FF Football Américain par Brigitte Schleifer).

Sans obligation, les femmes sont éloignées des responsabilités ou placées à des postes stéréotypés

Une analyse plus fine révèle, outre ces écarts statistiques, une dimension genrée dans l’attribution des postes de direction. Au sein des bureaux, les femmes élues sont en effet bien plus souvent en charge des domaines relatifs au sport-santé, à la responsabilité sociale et à l’inclusion (public féminin et parasportif notamment), quant à l’opposé, la performance, l’organisation des compétitions, les affaires juridiques et financières restent majoritairement l’apanage des hommes. Aussi, la progression du nombre de femmes n’est pas synonyme d’évolution dans la répartition des missions confiées.

Les femmes restent par ailleurs largement sous-représentées parmi les médecins fédéraux mais aussi parmi les entraineur·es et les arbitres élu·es. Cela témoigne de l’importance du cadre légal puisque si la parité est imposée et donc appliquée pour les représentant·es des athlètes de haut niveau (1 homme et 1 femme), aucune obligation n’existe aujourd’hui pour ces autres statuts et fonctions. Ainsi sans réglementation, le choix se porte encore très majoritairement vers des représentants masculins.

Des avancées à valoriser, mais loin d’être suffisantes

Malgré ces constats, révélateurs de la persistance d’inégalités de genre importantes, plusieurs avancées donnent l’espoir d’un changement dans les mois et années à venir. La semaine dernière Charlotte Girard-Fabre est devenue présidente de l’Association Française du Corps Arbitral Multisports (AFCAM). Elle est la première femme élue à ce poste en 40 ans d’existence et avec une adhésion totale, regroupant 94% des voix. Depuis quelques jours également, Marie-Amélie Le Fur, triple championne paralympique et présidente du Comité Paralympique et Sportif Français est désormais la présidente de l’Agence Nationale du Sport, instance majeure dans le financement et l’organisation du sport en France. La direction du Ministère chargé des Sports est, elle aussi, pilotée par une femme et ce depuis deux ans maintenant, en la personne de Fabienne Bourdais. Ces multiples élections et nominations, qui témoignent du rôle central joué par les femmes dans la bonne vitalité du sport français, vont donc dans le sens d’une reconnaissance certes tardive mais croissante de ce rôle. Cela n’est pas sans rappeler le cas d’Alice Milliat, première dirigeante du sport à l’internationale, invisibilisée pendant près de 50 ans et qui a enfin été honorée cette année à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des J.O.

Dans le cadre des élections fédérales, outre le respect de l’obligation de parité par l’ensemble des listes candidates, la mixité tend à progresser. Ainsi, le souhait de recourir à une co-présidence mixte a été avancé par plusieurs équipes. 2 des 44 fédérations ayant renouvelé leurs instances ont d’ailleurs fait ce choix et sont co-présidé·es par un binôme femme/homme pour les quatre prochaines années : la FSGT (avec Céline Machado et Antonio Fonseca) et la FFCO (avec Séverine Bardaud et Denis Lafoux). Un idéal qui reste cependant marginal voire freiné par l’expression de comportements sexistes, comme en témoigne le retrait forcé de Sarah Ourahmoune, victime d’injures discriminatoires quelques jours seulement après avoir annoncé sa candidature à la tête de la FF Boxe en binôme avec Dominique Nato.

A l’image des Jeux Olympiques, où la parité atteinte au niveau des athlètes n’avait pas été suivi de changement au sein des directions et des encadrements techniques fédéraux (avec 20% de femmes pour la délégation française selon le CNOSF), ni dans le traitement accordé aux sportives de haut niveau, ces élections se révèlent être celles de la parité, mais pas de l’égalité. Un travail éducatif de fond reste donc à mener pour faire évoluer les mentalités, dépasser le sexisme dont le sport est empreint et parvenir enfin à une représentation plus juste et plus égalitaire des femmes au sein du mouvement sportif français.

Grégoire QUELAIN
Géographe, Laboratoire sur les Vulnérabilités et l’Innovation dans le Sport (Lyon 1)

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[1] Disponibles sur les sites internet de chacune des fédérations sportives nationales.